Valery Larbaud est un personnage incroyable : héritier d'une source Vichy, nanti d'une mère despotique, extrêmement cultivé, il s'évadera de l'emprise maternelle par la littérature et les voyages. Même si les conditions financières dont il jouissait lui permettaient de fréquenter les palaces, c'est avec une délectation presque enfantine qu'il s'efforçait de nouer contact avec les habitants, d'étudier discrètement leurs coutumes pour s'y conformer de son mieux. Il y a chez lui des pages très actuelles sur la manière dont les "touristes" critiquent "l'exotisme" des pays qu'ils visitent.Sous Larbaud se cache un grand traducteur : il fut le premier à traduire Ulysses de James Joyce, il fit connaître en France les oeuvres de Ramon Gomez de la Serna et conserva toujours au fond de son coeur une profonde nostalgie pour le monde de l'enfance. Poète, observateur, érudit, pourvu du sens de l'humour, de fantaisie, cet homme qui avait tout pour plaire reste trop méconnu alos qu'il écrivit aussi un ouvrage que l'on nomme "la bible des traducteurs" (Sous l'invocation de Saint-Jérôme) et il n'avait pas honte de parler de "ce vice impuni, la lecture..." Il noua des contacts avec des journaux argentins... Bref, il était surdoué, malheureusement, sa santé fragile ne lui permit pas d'accomplir tous les voyages dont il rêvait et lorsqu'il trouva le bonheur auprès de la femme qui lui plaisait, il fut frappé par la maladie et devint aphasique. Un malheur pour la littérature. Il faut lire Larbaud pour retrouver toute la magie du 20e siècle et les premiers balbutiements littéraires du "monologue intérieur", pour se plonger dans la fascinante vie artistique de l'atelier de la Maison des Amis des Livres sur laquelle règna Adrienne Monnier.